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mardi 15 mars 2016

Celle qu'on n'a pas eues*



Nous avons tous, un jour ou l'autre, rêvé devant une bouteille de whisky bien particulière. Une expression rare d'un single malt qu'on prenait le temps d'admirer dans un catalogue, sur le net ou dans les rayons de notre caviste préféré, jusqu'à ce que celle-ci disparaisse, un beau jour, sans laisser de trace, après avoir été très probablement vendue. Une bouteille au design alléchant qui nous faisait de l'œil, mais dont le prix nous freinait (surtout si nous n'avions pas eu l'opportunité d'en déguster le contenu). Ou, au contraire, une bouteille dont nous avions pu apprécier les qualités sensorielles mais qui nous échappa car totalement introuvable ou bien encore hors de prix. C'est de quelques unes de ces merveilles et de mon histoire avec elles dont j'aimerais vous entretenir.

Talisker 20 ans - Sherry Cask (1981-2002)

Avec Lagavulin 16 ans et Caol Ila 12 ans, Talisker 10 ans fait parti de ces single malts qui m'ont fait aimer le whisky, il y a près de 25 ans de ça. Ce n'est qu'en 2008 que j'ai pu assister à mon premier Whisky Live au Pavillon Gabriel, à Paris, et que j'y ai rencontré pour la première fois Julian Hutchings qui animait le stand de l'unique (plus pour très longtemps) distillerie de l'île de Skye : Talisker. Trois ans plus tard, pendant le Whisky Live Paris 2011, toujours sur le stand Talisker, Julian m'a fait découvrir ce 20 ans d'âge vieilli en fût de sherry Oloroso. Il en avait trouvé une bouteille quelques temps plus tôt, chez un caviste qui lui avait demandé d'organiser une dégustation. Il profitait de la grand messe du whisky pour fêter son anniversaire avec cette bouteille qu'il avait ouverte pour l'occasion. Ce jour-là, il m'en avait servi un fond de verre et m'avait fort généreusement offert 1,5 cl à déguster plus tard, dans des conditions plus calmes et sereines.

Convaincu dès les premières effluves des évidentes qualités de cette expression de Talisker, je commençais mes recherches pour essayer d'en débusquer une bouteille. Tâche relativement aisée grâce à internet qui m'orienta vers les seuls sites qui en proposaient encore à la vente : les sites de vente aux enchères. Moins nombreux à l'époque qu'aujourd'hui, la bouteille se négociait déjà autour de 400/450 €, ce qui la mettait d'emblée hors de ma portée. Mon budget ayant un peu évolué depuis, j'aurais pu me permettre de me faire un beau cadeau, une fois dans l'année. C'était sans compter sur les prix du marché du whisky qui ne cessent de grimper et sur l'attrait du côté investissement qui ne cesse d'être mis en avant, ces derniers temps (au grand dam des amateurs peu fortunés). Cette bouteille se négocie aujourd'hui aux alentours des 1000 €, ce qui, pour moi, fait de l'acquisition de ce 20 ans très recherché, un fantasme inassouvissable.

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Ledaig 22 ans (1972) Lost bottlings - Master of Malt

Celui-ci, j'ai eu la chance de pouvoir le goûter avant sa mise en bouteille, ou, pour être précis, avant sa seconde mise en bouteille. En effet, la série Lost Bottlings de Master of Malt provient d'un lot de bouteilles acquises auprès d'un autre négociant et ré-embouteillées fin 2012/début 2013.

Lors de ma visite des locaux de Master of Malt, le 1er novembre 2012, c'est dans le bureau de Ben Ellefsen et en sa compagnie que j'ai eu la chance de déguster et de repartir avec des échantillons des six single casks de la gamme à venir qui, pour la petite histoire, n'avait pas encore de nom bien défini.

La commercialisation de ce Ledaig survint à la période où ma femme et moi venions de mettre notre maison en vente pour pouvoir faire l'acquisition de notre actuelle habitation. J'avais bien l'intention de m'en offrir une bouteille dès que nous aurions signé une promesse de vente, mais je ne me doutais pas que cela nous prendrait 18 mois. À ce moment-là, le Ledaig était épuisé depuis belle lurette. Heureusement, j'avais pris soin de commander, de temps à autres, un flacon de 3 cl proposé par Drinks by the Dram, ce qui me permet, quand l'envie s'en fait sentir, de pouvoir me relaxer avec ce merveilleux whisky de fin de soirée aux notes de cire et de vieux cuir que j'apprécie tant.



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Hanyu Cask #63 (2000-2015) - La Maison du Whisky

C'est lors du dernier Whisky Live Paris que j'ai pu déuster cet Hanyu-là. J'ai d'ailleurs bien failli passer à côté (ce qui m'aurait sans doute évité une belle déception…) puisqu'il était proposé à la dégustation dans l'espace VIP, à côté des Karuizawa et autres Chichibu, très prisés par les amateurs, et que, ce côté du bar était littéralement pris d'assaut par les visiteurs muni du Pass adéquat. Je décidais donc de faire l'impasse et de me consacrer à d'autres nouveautés plus discrètes et accessibles.
Je pu cependant m'approcher d'un bar VIP quasiment déserté lors de la troisième journée, réservée aux professionnels. Plus de Karuizawa à se mettre sous le palais, mais un fond de Hanyu n'attendait que moi. Je pu donc goûter tranquillement un peu de ce fût #63, sélectionné et mis en bouteille pour La Maison du Whisky. La découverte fut belle ! À tel point que je l'ai consacré Best of the Best des whisky que j'ai pu découvrir en 2015. Je me rappelle d'ailleurs en avoir parlé à Mark Gillespie (Whisky Cast) qui sembla heureux d'avoir pu lui-aussi en avaler quelques gouttes.
En décembre, un mail de La Maison Du Whisky m'apprit que cette nouveauté serait disponible le 13 janvier. La veille de mon anniversaire. Tel un gamin attendant de pouvoir découvrir ce que le Père Noël lui a apporté, c'est avec une impatience non dissimulée que je guettais la mise en ligne du produit sur le site de La Maison du Whisky. À l'heure fatidique, alors que la bouteille était annoncée "Bientôt disponible" moins de 5 minutes plus tôt, un rafraîchissement de la page afficha la mention "Rupture définitive" sans passer par la case "Ajouter au panier", et ceci pour mon plus grand désespoir. Dépité, j'appelais un ami un peu plus familier que moi avec le personnel de la boutique de la rue d'Anjou. Il me rappela deux jours plus tard pour me faire savoir que la boutique avait reçu ses quantité et qu'il faudrait sans doute faire vite. Je profitais donc de mon heure de déjeuner pour me rendre à côté de la place de la Madeleine, mais une fois sur place, on m'expliqua que je n'était pas un assez bon client et que, bien qu'il restait sept bouteilles en stock, je ne repartirais pas avec une d'entre elles. On essaya tout de même de me vendre un Chichibu vieilli en fût de bière dont je n'avais aucune idée du goût, ni de la qualité. N'étant pas venu pour spéculer mais pour m'offrir un whisky que j'avais adoré, je reparti les mains vides avec, en bouche, un goût amère de déception. Aujourd'hui, moins de deux mois plus tard, des bouteilles de Hanyu Cask #63 apparaissent sur pratiquement tous les sites de vente aux enchères spécialisés dans le whisky et atteignent déjà des sommes allant de 600 € à plus de 1000 €. Hors de portée, donc !



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35.60 Dream Catcher Dram (Glen Moray 39 ans) - Scotch Malt Whisky Society

La Scotch Malt Whisky Society, si vous n'en avez jamais entendu parler, est un club, accessible par abonnement, qui met en bouteille et propose à la vente un grand nombre de whiskies de malt ou de grain, mais aussi des bourbons ou des rhums uniquement accessibles à ses membres. La SMWS ne propose que des single casks (fût unique) cask strength (sans réduction) et sans ajout de colorant. Plutôt que d'afficher clairement le nom de la distillerie, on retrouve en gros sur l'étiquette, deux numéros séparés par un point. Le premier détermine la distillerie dont provient le fût et le second correspond au "x"ième fût de ladite distillerie mise en bouteille par la Society. Enfin, un nom plus ou moins évocateur est donné en fonction du caractères et des saveurs relevés par le comité de dégustation. L'âge du whisky et le type de fût utilisé sont également spécifiés sur l'étiquette.

Âgé de 39 ans, ce 35.60 Dream Catcher Dram est un fût exceptionnel de la distillerie Glen Moray (35 selon le code de la SMWS) et c'est le soixantième fût de Glen Moray mis en bouteille par leur soins. Un whisky troublant et fantastique que j'ai pu découvrir sur le Whisky Show organisé par The Whisky Exchange en octobre 2012 à Londres. Pour l'acquérir, il fallait, à l'époque, s'acquitter d'une inscription à la SMWS de Londres pour une année et y ajouter le prix de la bouteille, ce qui portait l'addition à plus de £300. Somme que je n'avais pas du tout prévu dans mon budget.

Épuisé depuis bien longtemps, j'ai depuis fait appel à mes amis membres de la SMWS pour savoir si l'un d'entre eux n'avait pas une bouteille dans sa collection qu'il serait prêt à partager, mais jusqu'à maintenant, j'ai fait choux blanc.



Bien entendu, des histoires comme ça j'en ai d'autres, mais, pour le moment, ce sont les plus marquantes. Je ne manquerais pas de faire une suite à ce post si l'occasion se présente à nouveau. Et, si vous aussi vous avez été marqué par une bouteille particulière, n'hésitez pas à me faire part de son histoire dans les commentaires.

* C'est en tombant par hasard sur le titre de ce film de Pascal Thomas (1981) que l'idée de cet article m'est venue.

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