mardi 5 juin 2012

Constellation - The Dalmore



Même si la grogne semble s'être calmée depuis peu, l'annonce qui fait causer et réagir les amateurs de whisky, ces dernières semaines, c'est celle de la nouvelle gamme de The Dalmore.


La distillerie, qui se positionne de plus en plus, sur le marché, vers une clientèle de riches collectionneurs et d'investisseurs, après ses éditions limités Astrum, Aurora, Candela, Selen, Eos ou Trinitas (dont deux bouteilles sur les trois existantes se sont vendues, l'année dernière, à £ 100 000 chacune), vient d'annoncer sa nouvelle collection de single casks millésimés de 1964 à 1992.

C'est par e-mail (envoyé à toutes les personnes inscrites à leur newsletter) que Dalmore a fait l'annonce de cette nouvelle collection nommé Constellation. Un mini site internet lui est dédié. Relativement bien construit, plutôt agréable à parcourir et rempli d'informations sur chaque bouteille de cette collection de 21 millésimes (type de fût, couleur, nombre de bouteilles disponibles, etc.). Seul manque… le prix. Il faut compter sur les bloggers (certains ont été invités à la soirée de lancement) pour connaître les tarifs. Et là, pour tous les aficionados qui commençaient à en saliver d'impatience, c'est la douche froide, voire glacée !

Le plus jeune de ces whiskies, qui est d'ailleurs le moins cher, peut être acquis pour la modique somme de £ 2000. Quant au millésime 1964 (46 ans d'âge), il faudra débourser pas moins de £ 20000 pour pouvoir l'ajouter à votre bar. Il vous en coûtera £ 158000 pour la collection complète disponible en exclusivité au terminal 5 de l'aéroport d'Heathrow (Londres). Une telle somme pour des whiskies, somme toute, ni si vieux, ni si rares que ça, ça fait réagir, forcément. Et, les amateurs et les connaisseurs s'en sont donnés à cœur joie sur internet et ses réseaux sociaux. Certains annoncent même qu'ils boycotteront désormais les produits de la distillerie (déclaration un peu extrême de mon point de vue). Car, même si la réputation de Richard Paterson* n'est plus à faire (on gage que ces single casks qui, pour certains, ont connu plusieurs types de fûts et/ou d'affinages, sont d'une qualité sans faille), qu'est-ce qui peut justifier un tarif aussi élevé pour des whiskies de cet âge ? La rareté ? L'exceptionnelle qualité du produit ? Les années de maturation ? Le design de l'emballage ?

Quand Gordon & MacPhail, décide d'embouteiller un Mortlach ou un Glenlivet de 70 ans, avec un contenant aussi luxueux que le contenu est agé, on peut comprendre que le prix avoisine les £ 13000. Tout récemment, Glenfarclas à mis en vente son plus vieux single cask jamais produit à la distillerie (58 ans d'âge) et vendu £ 6000. J'ai, pour ma part, dégusté le mois dernier un Glenburgie execptionnel de 1964 (Gordon & MacPhail) que l'on peut encore trouver à moins de £ 200 et des Glenglassaugh de toute beauté âgés de 36 à 45 ans vendus respectivement £ 300 et £ 1500 (voir ici et ). Un Bunnahabhain de 1968 (41 ans) de chez Adelphi m'a coûté 220 € et, même si elles se négocient aujourd'hui jusqu'au double de leur prix de vente public sur les sites de vente aux enchères, les rares éditions 2011 de Brora et de Port Ellen étaient vendues £ 300 à leur sortie.

Alors pourquoi miser sur un tarif aussi prohibitif pour les amateurs que nous sommes ? Tout simplement parce que nous ne sommes pas la clientèle ciblée par cette nouvelle collection. En nous disant : "Si vous n'êtes pas un riche collectionneur ou investisseur, ces whiskies ne sont pas pour vous !", voire même : "Ces whiskies ne sont pas destinés à être bus.", The Dalmore confirme qu'ils sont en quête d'un autre type de clientèle. Ils ne s'en cachent d'ailleurs pas, en l'expliquant dans les commentaires d'un de leur statuts publié le 2 mai dernier sur leur page Facebook. Ça a le mérite d'être clair ! Et au fond, pourquoi pas ? Si de riches millionnaires veulent dépenser ce qui nous semble être une petite fortune pour avoir une belle collection de single casks et, par là-même, gonfler le tiroir-caisse de Whyte & Mackay (propriétaire de The Dalmore), je n'y vois pas d'inconvénients.

Et puis, on ne peut pas, tous, avoir accès à tous les produits (de luxe ou non) mis en vente sur le marché. L'erreur de The Dalmore, si erreur il y a, c'est peut-être d'avoir communiqué sans cibler, en ratissant large. Il aurait été sans doute plus subtile de créer une marque pour ces produits hors de portée du commun des mortels, et de communiquer sur celle-ci dans des lieux ou sur des supports spécialisés dans le luxe. Certes, tout ceci coûte de l'argent et du temps (donc de l'argent), mais cela aurait peut-être évité tout le buzz autour de cette "Constellation".

Il reste juste à espérer que ce genre d'initiative ne devienne pas un business model pour l'industrie du whisky et ne finisse par priver les amateurs que nous sommes de petites merveilles maltées.

* Richard Paterson est le master blender de Whyte & Mackay et il est en charge de créer toutes les expressions de la marque ainsi que celles des distilleries qu'elle possède : The Dalmore et Isle of Jura.

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