Plus qu'une énième société de négoce qui se contenterait d'acheter des fûts aux distilleries afin de les mettre en bouteille et les vendre aux couleurs de leurs marques, Compass Box est un assembleur qui élabore ses propres whiskies en utilisant des fûts de diverses provenances afin d'obtenir, comme le ferait un parfumeur, le produit qu'il souhaite proposer à sa clientèle.
La qualité des whiskies créés par John Glaser (fondateur de Compass Box) et son équipe n'est plus à démontrer et, si plusieurs d'entre eux figurent en bonne place dans la liste de mes whiskies préférés de l'année, ce n'est pas un hasard.
En fin d'année dernière, après avoir présenté les deux nouveautés qui devaient clôturer les festivités du quinzième anniversaire de son existence, Compass Box, qui ne fait jamais de secrets quant à la composition de ses whiskies, a décidé, pour le lancement de Flaming Heart et de This Is Not A Luxury Whisky d'en détailler la composition exacte : provenance (distillerie), type de fût, quantité (en pourcentage) et âge de chacun des whiskies entrant dans l'assemblage. Une transparence totale qui permet au consommateur, non seulement de savoir ce qu'il boit, mais également de comprendre et d'apprécier le positionnement tarifaire de ces whiskies sans mention d'âge. Et c'est là que les ennuis commencent, car les lois concernant le whisky au niveau européen sont très explicites sur la mention d'âge : seul l'âge du plus jeune des whiskies d'un assemblage peut être mentionné et ce, que ce soit sur l'étiquette ou tout document destiné à la promotion.
Les néophytes et le grand public ne le savent pas toujours, mais un whisky de 10 ans d'âge, qu'il s'agisse d'un single malt ou d'un blend, résulte toujours (sauf pour un single cask – fût unique) d'un assemblage de différents fûts ayant contenu des whiskies vieillis pendant 10 ans, mais également d'autres, en proportion plus ou moins importantes, âgés de 11, 12, 15, 20 ans ou même plus de 40 ans si ces vieux whiskies apportent une composante gustative ou olfactive nécessaire au produit final tel que le souhaite le maître assembleur.
Un vieux single malt coûte forcément plus cher qu'un jeune. Son utilisation en plus ou moins grande quantité a forcément un impact sur le prix du produit fini. Un blend comme This Is Not A Luxury Whisky, composé à 79 % de Glen Ord de 19 ans vieilli en fût de sherry de premier remplissage auquel on a ajouté 17 % de whisky de grain de 40 ans d'âge (provenant de deux distilleries : Strathclyde et Girvan) pour le rendre plus riche, crémeux et vanillé, ainsi que 4 % de Caol Ila 30 ans légèrement herbacé et fumé, n'a pas forcément envie d'afficher son âge (le plus jeune, soit 19 ans) sur son étiquette et c'est d'autant plus vrai si ce jeune composant représente 10 % ou moins du produit fini. Dans ce cas, on comprend la volonté, voire la nécessité du producteur d'informer son client sur ce qu'il va déguster.
Cette loi, censé protéger le consommateur lambda, qui ne connaît pas toujours grand chose en matière de fabrication de whisky ou même en matière d'élaboration d'une cuvée spéciale, semble aujourd'hui plutôt restrictive à un moment où ledit consommateur souhaiterait en savoir davantage sur ce qu'il a dans son verre. En effet, à une époque ou certains whiskies sans mention d'âge (ou NAS*) frôlent, voire dépassent les 100 €, alors qu'il semble que beaucoup d'entre eux soit composés en grande partie de malts âgés de 3 à 7 ans, savoir qu'un Flaming Heart 5e édition dont le prix tourne aux alentours de 130/140 € est composé de 27,1 % de Caol Ila de 30 ans, de 24,1 % Clynelish de 20 ans, de 38,5 % de Caol Ila de 14 ans et de seulement 10,3 % d'un malt des Highlands de 7 ans est non seulement rassurant en terme d'attente qualitative mais aussi tout à fait justifié en terme de prix.
Suite à une plainte déposée auprès de la Scotch Whisky Association**, Compass Box à dû retirer ces informations de leurs pages web sous peine de poursuites. Ce qui a déjà fait couler beaucoup d'encre (virtuelle ou non), notamment ici.
C'est pour se battre pour faire changer cette réglementation au niveau Européen, et permettre à ceux qui le désirent (producteurs ou assembleurs), sans aucune obligation envers ceux qui ne le souhaitent pas, de pouvoir communiquer sur la composition exacte de leur produit, que Compass Box vient de lancer sa campagne Scotch Whisky Transparency. D'autres acteurs du marché ont déjà annoncé leur soutien à Compass Box, comme Bruichladdich. La distillerie d'Islay appartenant au groupe Rémy Cointreau vient d'annoncer leur désir de révéler à leur consommateurs, de façon individuelle et de manière privative afin de détourner de manière légale la réglementation Européenne, la composition de leur Laddie Classic.
Alors, si comme moi vous êtes pour un droit à plus de transparence, n'hésitez pas à rejoindre les déjà plus de 5000 signataires qui ont déjà apporté leur soutien à cette campagne lancée le mois dernier en vous rendant ici.
#Transparency
* No Age Statement
** Association chargée de promouvoir, protéger et représenter les intérêts de l'industrie du whisky en Écosse et partout dans le monde (dixit leur site web).
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