Déguster du whisky n'est pas qu'une histoire de goût, ou d'envie. C'est également une question de feeling, de timing, d'ambiance et de lieu. De compagnie, aussi ! On peut très bien apprécier une expression particulière d'un certain single malt lors d'une soirée entre amis, ou seul, confortablement installé dans un fauteuil (club, de préférence) après une semaine de travail arrassant, et passer complètement à côté de ses arômes et saveurs ou trouver ce même whisky banal, sans intérêt, une semaine plus tard, dans des conditions toutes différentes.
C'est en décembre dernier, alors que je participais à un Tweet Tasting* de quatre expressions de la distillerie Benromach organisé par Steve Rush de The Whisky Wire, que cela m'a vraiment frappé. Ce genre d'événement est, pour moi, toujours une fête, une occasion à la fois de découvrir de nouveaux malts et de partager ces moments avec d'autres bloggers, journalistes ou personnes travaillant dans le milieu du whisky et partageant une même passion. C'est également, pour moi, un exercice difficile. Arriver à établir des notes de dégustation tout en suivant le fil des commentaires demande une concentration certaine dans un environnement, si possible, calme. Or, ce soir-là, la tâche n'est pas des plus aisées.
En attendant la fin des travaux dans la pièce qui deviendra mon bureau, je suis installé dans un coin de la salle à manger. Ce soir du 10 décembre, il est encore relativement tôt. Ma femme n'est pas encore rentrée de son cours de sport et mes filles, qui sont censées être à table en train de dîner, me sollicitent toutes les deux minutes. Elles se chamaillent, courent dans la pièce et, une fois leur repas terminé, ne veulent pas monter se coucher sans être accompagnées. Difficile de rester calme, concentré et difficile de suivre le déroulement de la dégustation sur Twitter.
Tout en appréciant (mais certainement pas à sa juste valeur) le liquide doré et malté, je n'arrive tout simplement pas à déceler les arômes et les saveurs qu'il délivre au nez ou en bouche. Le plaisir n'y est pas. Dans ce cas, il ne reste plus qu'une chose à faire : tout arrêter et reprendre la dégustation plus tard, à un moment plus opportun. Un jour ou mes sens seront plus en éveil.
Même si je suis loin de connaître la gamme complète de la distillerie Benromach, celle-ci ne m'est pas inconnue. Mon premier aperçu date d'avril 2012. C'est lors de mon périple de trois jours dans le Speyside que j'eus le plaisir de déguster mes premiers Benromach, à Elgin, dans la salle du premier étage de la boutique Gordon & McPhail (lire ici). Un baptême, en quelque sorte.
Il me tardait vraiment de découvrir davantage Benromach à travers ses whiskies. Située entre Inverness et Elgin, rachetée en 1993 par Gordon & McPhail (l'un des plus anciens embouteilleurs indépendants d'Écosse) et ré-ouverte en 1998, elle est l'une des plus petites distilleries du Speyside.
C'est donc reposé, après des vacances de deux semaines (les premières depuis près de deux ans) et avec un estomac remis des fêtes de fin d'année, que j'ai décidé de remettre le couvert. Ce mercredi 28 janvier, alors que ma femme était de sortie et que les filles dormaient, le repas du lendemain mijotant sur le feu, dans une ambiance calme et chaleureuse, je sorti quelques verres Glencairn, une carafe d'eau et je m'assis confortablement dans mon fauteuil de bureau pour une dégustation qui, cette fois, allait être des plus réussies. En plus des quatre expressions reçues pour le Tweet Tasting, j'ajoutais deux autres échantillons, un peu plus haut de gamme : le Benromach 30 ans et un millésime 1976**.
Benromach 10 ans - 43 %
Couleur : Or pale.
Nez : Fermier, fumé, terreux.
Bouche : Florale, herbacée, tournée. Quelques gouttes d'eau font ressortir un côté sucré, comme de l'amidon.
Finale : Sur la terre humide, comme un feu de cheminée que l'on vient d'éteindre avec de l'eau.
Mon avis : Un très bon whisky digne de figurer dans les bars de tous les amateurs de single malt.
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Couleur : Ambre.
Nez : Moins brut, plus rond que le précédent, avec des notes de sherry (Xérès). Le côté terreux et herbacé est toujours là, mais moins prononcé, mieux intégré. L'eau fait ressortir le caramel.
Bouche : Plus gras, huileux, plus riche aussi. Épices douces. Avec de l'eau (juste quelques gouttes) les épices explosent, avec du piment.
Finale : Longue, marquée par la tourbe.
Mon avis : À ce prix, aucune hésitation ! Une expression indispensable que je vais m'empresser de faire connaître à tous mes amis whiskyphiles. Aura sa place juste à côté de mes bouteilles de Lagavulin 16 ans et de Mortlach 16 ans Flora&Fauna.
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Couleur : Or.
Nez : Fruité. Bonbon en gelée. Vernis à ongle.
Bouche : Également fruitée. Poires, puis oranges. Un petit coté rustique en fin de bouche, pas trop sucré, avec une petite pointe de vanille. Pâte à tarte crue. L'eau fait ressortir des notes poivrées en milieu de bouche et rend le whisky légèrement plus doux mais ne change pas vraiment les saveurs.
Finale : Élégante avec une note de pignon de pin.
Mon avis : Elégant, relativement doux, plus "grand publique" mais sans donner dans la facilité, ni le déjà vu.
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Couleur : Paille.
Nez : Tourbe, goudron, racine de réglisse.
Bouche : Légère, fraîche de prime abord, puis la puissance arrive d'un coup avec une fin de bouche sur la tourbe. Avec de l'eau la réglisse présente au nez se fait généreusement ressentir.
Finale : Fraîche et mentholée. Redonne l'eau à la bouche, littéralement.
Mon avis : Les amateurs de whiskies tourbés façon Port Charlotte et Octomore devraient être comblés !
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Couleur : Or.
Nez : Doux. Notes de cire, de parafine, de citron confit. Le genre de whisky qu'on passerait des heures à humer.
Bouche : Complexe. Agrumes. Cire d'abeille. Vieux cuir. Tout ce que j'aime dans un vieux whisky.
Finale : Discrète mais loooooongue ! Quand la langue s'y promène, on sent presque la texture de la cire ou de la parafine sur le palais.
Mon avis : Le genre de whisky qui me fait craquer (au même titre que le Balvenie 30 ans ou le anCnoc 35 ans). Je ne tente même pas d'ajouter un peu d'eau. Trop peur de gâcher mon plaisir.
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Benromach 1976 - 46 %
Couleur : Or.
Nez : Mêmes caractéristiques que le précédent (agrumes, cire, etc.) mais plus puissant. La cire est ennivrante.
Bouche : Similaire également avec plus de punch. Plus épicée aussi (poivre). Dur de croire que celui-ci ne fait que 3% de plus que le précédent. En dégustation à l'aveugle, j'aurais plutôt dit entre 50 % et 55 %.
Finale : Très longue et admirable.
Mon avis : Sublime, mais dans une gamme de prix trop élevée. Et peut-être un tout petit peu trop agressif en bouche, finalement. Je pense qu'un compromis entre le 30 ans et celui-ci toucherait à la perfection. Si seulement j'avais gardé 1 cl du 30 ans, j'aurais adoré le mélanger au centilitre qu'il me reste du 1976 pour voir ce qu'il en retournerait…
En résumé, vous pouvez y aller les yeux fermés. Toutes ces expressions de Benromach sont d'une indéniable qualité. Ceci-dit, mes préférences vont au 10 ans 100° Proof (que je viens tout juste de commander) et au millésime 1976. Mais, puisque mon budget ne me permettra jamais de pouvoir m'offrir une bouteille à plus de 750 €, je me contenterais largement du 30 ans.
* Dégustation en ligne lors de laquelle tous les participants réagissent et décrivent leurs impressions en direct sur Twitter.
** Merci à Benromach, à Juliette Buchan (Gordon & McPhail), à Carole Nicolas (Idées en forme) et à La Maison Du Whisky pour les échantillons. Et merci à Steve Rush (The Whisky Wire) pour ses Tweet Tasting toujours aussi didactiques et passionnants.
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